J.O. 296 du 22 décembre 2006       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Saisine du Conseil constitutionnel en date du 1er décembre 2006 présentée par plus de soixante députés, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision n° 2006-544 DC


NOR : CSCL0609752X




LOI DE FINANCEMENT

DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2007


Monsieur le président du Conseil constitutionnel, mesdames et messieurs les membres du Conseil constitutionnel, nous avons l'honneur de vous déférer, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, l'ensemble de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007.

Nous développons à l'appui de cette saisine les observations suivantes.


1. Sur l'atteinte au principe de protection de la santé


Aux termes des dixième et onzième alinéas du préambule de la Constitution de 1946 : « La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. » « Elle garantit à tous... la protection de la santé, la sécurité matérielle, ... ». Cette exigence constitutionnelle permet d'établir le lien étroit, fondé sur le principe d'égalité devant la solidarité nationale et les charges publiques, entre le droit à la santé et le droit à la protection sociale.

Votre jurisprudence a régulièrement précisé les obligations faites au législateur, d'une part, et au pouvoir réglementaire, d'autre part, pour que ces principes soient respectés. Votre décision no 2002-463 DC du 12 décembre 2002 sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 a ainsi indiqué qu'il appartiendra au pouvoir réglementaire de fixer le tarif forfaitaire de responsabilité de telle sorte que ne soient pas remises en cause les exigences constitutionnelles relatives à la protection de la santé.

De même, votre décision no 2004-504 DC du 12 août 2004 a précisé que la participation forfaitaire pour certains actes ou consultations pris en charge par l'assurance maladie en application du II de l'article L. 322-2 du code de la sécurité sociale devra être fixée à un niveau tel que ne soient pas remises en cause les mêmes exigences.

Cette jurisprudence régulièrement répétée vise à ne pas faire de l'assuré social la variable d'ajustement de la politique de protection sociale. Elle traduit dans quelle mesure il est possible d'oeuvrer aux nécessaires adaptations de notre système de sécurité sociale et d'accès aux soins et à la recherche d'un financement pérenne et durable y contribuant, sans aller vers un système où la protection sociale serait moindre pour les plus démunis, où la solidarité nationale serait à deux vitesses.

La maîtrise des dépenses de santé doit respecter des normes constitutionnelles précises. Mais elle ne peut devenir un simple mode de régulation comptable. La conciliation de différents droits constitutionnels ne peut aboutir à des dispositions qui transforment les organismes de protection sociale en autorités à vocation répressive.

L'article 47 permet aux ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, à défaut de la conclusion avant le 31 janvier 2007 d'un avenant conventionnel autorisant certains médecins à pratiquer de manière encadrée des dépassements d'honoraires, de prendre un arrêté pour modifier à cet effet les dispositions de la convention nationale des médecins généralistes et spécialistes conclue le 12 janvier 2005.

Les partenaires conventionnels et les organismes complémentaires ont d'ores et déjà engagé des négociations sur les modalités de mise en oeuvre d'un secteur dit optionnel qui serait ouvert à certains médecins sous certaines conditions de titres et permettrait des pratiques de dépassements encadrés. Elles n'ont pas abouti à ce jour.

L'article 47 crée une obligation de résultat aux partenaires conventionnels avant le 31 janvier 2007 pour mettre en oeuvre ce secteur dit optionnel. A défaut, le Gouvernement pourra, par arrêté, modifier la convention nationale du 12 janvier 2005 dans cette optique.

Cet article est destiné à répondre à une préoccupation exprimée par les chirurgiens en termes de rémunérations et de pratiques. Mais la réponse apportée conduit notre système de protection sociale et notre système de santé sur une pente pour le moins préjudiciable à l'accès aux soins et à la protection de la santé.

A en croire l'exposé des motifs de l'amendement no 404 du Gouvernement adopté par le Sénat, il s'agit d'accélérer la mise en oeuvre d'un secteur optionnel pour éviter la disparition complète du secteur à tarif opposable dans le domaine de la chirurgie.

Au nom d'une urgence pour la chirurgie, il s'agirait donc de renforcer l'offre médicale par la création d'un secteur optionnel accessible aux professionnels disposant des titres requis pour accéder au secteur 2, mais avec une pratique de dépassement encadré. Le Gouvernement entend donc développer le secteur optionnel au détriment du secteur à honoraires libres, dans un premier temps pour la chirurgie, mais dans la réalité de cet article , rien n'interdit qu'il en soit de même pour d'autres spécialités.

Face à un véritable problème de vocation professionnelle dans un secteur particulier, est proposée une solution d'ordre général qui fait porter sur les assurés sociaux les dépassements d'honoraires et qui conduit, compte tenu des risques de généralisation, à une méconnaissance très forte des principes constitutionnels de protection de la santé et d'égalité d'accès aux soins.

En réalité, le risque est important de voir dans un premier temps les chirurgiens du secteur à tarifs opposables, puis par la suite les praticiens d'autres spécialités, et éventuellement les généralistes, se diriger vers le secteur optionnel où les dépassements seraient autorisés.

L'effet sera strictement contraire à celui affiché par le Gouvernement. Cet article ouvre tout simplement la porte au sein de notre système de protection sociale à un nouveau secteur à honoraires libres qui conduit à terme à la disparition du secteur à tarifs opposables.

Par le biais d'un simple amendement, le Gouvernement propose ni plus ni moins que les actes chirurgicaux d'abord, d'autres actes ensuite, ne soient plus remboursés, comme c'est le cas actuellement par l'assurance maladie avec le secteur à tarifs opposables. Progressivement, c'est la fin des tarifs opposables. C'est également la programmation de la fin du système conventionnel puisque le Gouvernement s'y substitue avec cet article .

L'argumentaire selon lequel les organismes complémentaires prendront en charge la différence entre le tarif pratiqué et le tarif remboursé ne saurait servir de garantie à l'égal accès aux soins. Non seulement l'obtention d'un accord avec les organismes complémentaires sur ce point est loin d'être avéré, mais, de plus, il est illusoire d'imaginer qu'en l'espèce les tarifs des organismes complémentaires n'augmenteraient pas pour assumer ces charges nouvelles.

De plus, rien n'oblige les organismes complémentaires à couvrir les risques professionnels liés par exemple à la pratique chirurgicale, que manifestement le Gouvernement ne souhaite pas prendre en charge dans l'immédiat.

Au total, c'est l'assuré social qui fera les frais de la mise en oeuvre d'un secteur optionnel. Le reste à charge pour les patients dans le cadre d'actes chirurgicaux en général coûteux sera un véritable obstacle à l'accès aux soins pour tous. Au-delà de la chirurgie, l'accès à des soins lourds et indispensables sera progressivement compromis.

Au prétexte de sauver le secteur de la chirurgie, l'article critiqué remet en cause les principes de solidarité de notre système de protection sociale. Tout à la fois, l'assuré social sera moins bien remboursé par le régime complémentaire, subira des hausses de cotisation de l'organisme complémentaire dont il dépend, devra renoncer à certains soins.

Il existe de meilleures dispositions que le secteur optionnel pour assurer la protection de la santé et l'accès aux soins pour tous. Pour ces raisons, cet article ne peut qu'être censuré.


2. Sur le principe d'égalité


Aux termes de l'article 6 de la Déclaration de 1789 : « La loi... doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse... ». Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.

L'article 24 prévoit que les établissements de santé peuvent reverser à la seule Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés une partie du produit net comptable des cessions de leurs terrains et bâtiments, les sommes reversées étant exclusivement affectées aux investissements hospitaliers.

En droit, cette disposition vise tous les établissements de santé. Toutefois, compte tenu de la réalité de la nature juridique et de la structure des établissements, elle ne sera applicable et appliquée qu'aux seuls établissements publics. En effet, si les hôpitaux publics sont propriétaires de leurs terrains et bâtiments, tel n'est pas le cas pour les établissements privés. Leurs biens immeubles sont détenus principalement par des sociétés civiles immobilières ad hoc ou par des personnes privées, sans lien direct avec la société d'exploitation. Ils ne sont pas détenus par un établissement de santé. Autrement dit, la possibilité offerte aux établissements de santé de verser le produit de cession immobilière ne concerne finalement que les établissements publics.

La différence de traitement qui résulte de l'application de l'article 24 n'est pas justifiée par la loi qui l'établit. Il s'agit en effet de créer une possibilité de versement pour le bénéfice de l'ensemble des établissements de santé, alors que serait maintenue la cession des biens immobiliers détenus par des sociétés immobilières ou des personnes privées dans le but de contribuer aux investissements de l'établissement privé associé.

D'un côté, les établissements publics sont traités par l'intermédiaire d'un versement indifférencié sans certitude de retour sur investissement, de l'autre, les établissements privés pourront continuer, par l'intermédiaire des sociétés civiles immobilières ou des personnes privées, de percevoir directement des fonds utiles à leur propre et unique investissement.

Cette situation est d'autant plus préjudiciable au principe d'égalité que les établissements publics de santé sont placés dans une situation objectivement différente liée à des missions spécifiques de continuité du service public par exemple.

De plus, les contours de cette contribution ne sont pas véritablement définis par la loi. De nombreuses questions liées à la nature du prélèvement, à la base taxable, autrement dit la nature des biens concernés, au contrôle de son versement sont sans réponse. Le législateur n'a manifestement pas épuisé la totalité de sa compétence issue de l'article 34 de la Constitution.

3. Sur la place de certaines dispositions dans la loi de financement, le principe de séparation des pouvoirs et les principes de clarté et de sincérité des débats parlementaires

La loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale no 2005-881 du 2 août 2005, conformément aux termes du vingtième alinéa de l'article 34 de la Constitution, a défini avec précision le contenu et l'objet des quatre parties d'une loi de financement de la sécurité sociale, relatives respectivement au dernier exercice clos, à l'année en cours et, pour l'année à venir, d'une part, aux recettes et à l'équilibre général, d'autre part, aux dépenses. La même loi a également précisé les dispositions qui soit ne peuvent être approuvées que dans le cadre d'une loi de financement de la sécurité sociale, soit simplement peuvent y figurer.

L'an dernier, dans le cadre de votre décision no 2005-528 DC du 15 décembre 2005 relative à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, vous avez déclaré non conformes à la Constitution plusieurs dispositions considérées comme étrangères au domaine des lois de financement de la sécurité sociale.

Ainsi ont été déclarées contraires à la Constitution des dispositions ne concernant ni les organismes obligatoires de sécurité sociale ni les organismes visés par l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale. Il s'agit ainsi de respecter le périmètre des organismes de sécurité sociale ou des établissements tracé par l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale.

De même, ont été déclarées contraires à la Constitution des dispositions ayant un effet trop indirect sur les recettes ou sur les dépenses des organismes obligatoires de sécurité sociale ou des organismes concourant à leur financement. Il s'agit ainsi de respecter explicitement les termes du vingtième alinéa de l'article 34 de la Constitution, selon lesquels les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et fixent ses objectifs de dépenses.

Finalement, ont été déclarées contraires à la Constitution des dispositions n'ayant pas pour objet d'améliorer l'information et le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale. Il s'agit de veiller à ce que de telles dispositions portent sur le champ même des lois de financement de la sécurité sociale.

Vous avez ainsi complété et renforcé votre jurisprudence sur « les cavaliers sociaux » afin d'éviter notamment que les projets de loi de financement ne se transforment en loi « portant diverses dispositions d'ordre social ». Vous avez ainsi réaffirmé une volonté très forte de recentrer les lois de financement sur leur objet propre.

Cette jurisprudence spécifique aux projets de loi de financement doit être rapprochée de celle relative au droit d'amendement, précisée à plusieurs reprises, selon laquelle tout amendement doit être en relation directe avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie ou avec une disposition restant en discussion dans le cadre d'une seconde lecture (décision no 2006-533 DC du 16 mars 2006). Vous veillez ainsi au respect des principes constitutionnels de clarté et de sincérité des débats parlementaires.

Dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, votre vigilance en la matière peut s'exercer sur de nombreux articles qui manifestement n'entrent pas dans le champ des lois de financement et sont dépourvus de lien avec leur objet.

Le passage de 71 articles dans le projet initial à 143 dans la loi adoptée par le Parlement illustre une tendance à transformer la loi de financement de la sécurité sociale en loi portant diverses dispositions d'ordre sanitaire et social peu respectueuse des principes de clarté et de lisibilité des débats parlementaires.

L'article 15 permet de valider l'accord collectif du 13 juillet 2004, compte tenu de la décision du Conseil d'Etat du 18 octobre 2006 sur l'arrêté ministériel du 30 décembre 2004 décidant l'extension de l'avenant du 13 juillet 2004 à la convention collective des hôtels, cafés et restaurants fixant la durée hebdomadaire de travail équivalente à la durée légale à trente-neuf heures dans ce secteur et sur le décret du 30 décembre 2004 validant le régime d'équivalence à la durée légale du travail.

Le Conseil d'Etat a rappelé, en application de l'article L. 212-4 du code du travail, que l'institution par décret d'une durée équivalente à la durée légale n'était possible que pour des emplois déterminés du secteur de l'hôtellerie-restauration comportant des périodes d'inaction et pas pour l'ensemble des emplois de ce secteur.

L'article reprend donc les termes de l'accord collectif du 13 juillet 2004 sur la durée hebdomadaire du travail dans l'attente de la conclusion d'un accord de branche sur le temps de travail devant intervenir au plus tard le 31 janvier 2007.

Cet article est sans lien avec le champ et l'objet des lois de financement de la sécurité sociale. Il s'agit uniquement de définir de façon provisoire la durée légale du travail dans un secteur professionnel particulier.

La précision introduite dans cet article selon laquelle le mécanisme de réduction des cotisations sociales de droit commun s'applique aux heures comprises entre la durée légale et la durée équivalente comme aux heures comprises dans la durée légale ne permet pas de considérer qu'il fait partie du domaine des lois de financement de la sécurité sociale.

Bien au contraire, cette précision souligne que les exonérations de cotisations sociales relatives aux heures effectuées au-delà de la trente-cinquième heure entrent dans le champ des exonérations d'ordre général faisant l'objet d'une compensation, en application des mécanismes issus de l'article L. 131-8 du code de la sécurité sociale. Les dispositions de cet article n'ont donc pas d'effet direct sur les recettes des organismes de sécurité sociale.

Les dispositions de cet article sont par ailleurs applicables de façon rétroactive pour la période allant du 1er janvier 2005 à la date de la conclusion d'un accord. Vous avez régulièrement considéré que, si le législateur a la faculté d'adopter des dispositions rétroactives, il ne peut le faire qu'en considération d'un motif d'intérêt général suffisant et sous réserve de ne pas priver de garanties légales des exigences constitutionnelles.

Ces griefs ont été soulignés par le rapporteur de la commission des affaires sociales du Sénat, qui a présenté, dans le rapport no 59, tome VI (p. 56), les fortes réserves de la commission sur la recevabilité et le caractère rétroactif de l'article .

Le législateur a toujours la faculté de priver d'effet une décision du Conseil d'Etat ou encore de valider un acte administratif, à condition de respecter l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et le principe de séparation des pouvoirs qui en découle.

Dans ce but, la portée de l'invalidation doit être strictement définie et présenter un motif d'intérêt général suffisant. Cette jurisprudence a constamment été réaffirmée, encore récemment dans votre décision no 2004-509 DC du 13 janvier 2005. En l'occurrence, le motif d'intérêt général n'est pas avéré, à moins de considérer que rendre inopérante une décision du Conseil d'Etat constitue en soi un motif d'intérêt général suffisant.

L'article 102 complète les articles L. 162-5 et L. 162-33 du code de la sécurité sociale. Il modifie les règles du droit d'opposition des organisations syndicales professionnelles et plus généralement les règles et les critères de représentativité des organisations en question.

Cet article résulte de l'adoption par le Sénat de l'amendement no 416 présenté par le rapporteur de la commission des affaires sociales, sur lequel ne figure aucun exposé des motifs.

Toutefois, les débats parlementaires ont permis d'indiquer qu'il s'agissait de modifier les règles en matière de droit d'opposition et de représentativité issues de la loi no 2004-810 du 13 août 2004, dans le but, selon l'auteur de l'amendement et le Gouvernement, de débloquer une situation conventionnelle jugée intenable.

En réalité, cet article s'apparente à un ajustement circonstanciel du droit. En limitant le droit d'opposition aux organisations représentatives, l'article critiqué interdit à celles qui ont obtenu la majorité aux élections professionnelles la faculté d'exercer ce droit. Il s'agit d'un coup de force législatif aboutissant à remettre en cause la démocratie professionnelle.

Le législateur préempte le droit des professionnels à s'organiser librement et à conquérir leur représentativité lors des élections professionnelles. Ceci constitue une atteinte aux libertés, d'autant plus importante qu'une situation de monopole syndical n'a pas lieu d'être en l'espèce.

Le législateur ne saurait disposer d'un droit d'appréciation du suffrage universel, fût-il d'inspiration et de logique professionnelle. Le récent avis du Conseil économique et social sur la représentativité s'inscrit dans une logique opposée aux objectifs de l'article 102.

Cet article peut entraîner des effets délétères, décrédibilisant le système conventionnel et ses acteurs, dans la mesure où il permet de ne pas prendre en compte les résultats des élections professionnelles aux unions régionales des médecins libéraux du 29 mai 2006.

Au-delà des questions de fond sur l'exercice du droit d'opposition limité aux seules organisations représentatives et sur les règles de représentativité, il apparaît que cet article qui modifie de façon substantielle les règles conventionnelles est étranger au domaine des lois de financement de la sécurité sociale.

De plus, il s'agit d'une mesure à caractère rétroactif sans motif d'intérêt général suffisant pour la justifier, sauf à considérer que modifier les règles du droit d'opposition dans un sens défavorable aux organisations ayant remporté les élections professionnelles puisse en constituer un.

L'article 134 intègre un article L. 161-36-2-2 dans le code de la sécurité sociale pour compléter, voire supprimer des dispositions issues de la loi relative à l'assurance maladie du 13 août 2004 sur le dossier médical personnel. Il s'agit de compléter les modalités d'accès à ce dossier dans le cas où le consentement du patient ne peut s'exprimer. Il s'agit également de définir les modalités d'articulation entre le dossier médical personnel et le carnet de santé de l'enfant. Il s'agit également de créer un dossier pharmaceutique en s'inspirant du dossier médical personnel. Il s'agit finalement de créer un identifiant de santé des personnes prises en charge par un professionnel de santé ou un établissement de santé ou encore un réseau de santé pour faciliter la coordination, la conservation, l'hébergement et la transmission des informations de santé.

Cet article ne s'apparente pas à un simple ajustement technique. Bien au contraire, il comporte des modifications substantielles du cadre législatif initial, qui viennent souligner les critiques présentées par les requérants lors des débats parlementaires sur la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie en termes de coordination des soins et d'accès aux informations concernant la santé. Les expérimentations menées ont révélé bon nombre des imprécisions et des insuffisances des dispositions législatives initiales.

Non seulement l'objet d'un tel dossier et les conditions de sa mise en oeuvre doivent répondre aux exigences de notre droit et garantir les principes constitutionnels de respect de la vie privée et de protection de la santé, mais, de plus, l'examen et l'adoption des modifications proposées doivent satisfaire aux exigences de lisibilité et de clarté du débat parlementaire. Tel n'est pas le cas. Le champ de l'amendement est bien plus vaste et s'étend bien au-delà de la question des conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale.

En conclusion, ces différents articles doivent être censurés. Votre vigilance pourra également s'exercer sur de nombreuses autres dispositions de cette loi de financement de la sécurité sociale qui dépassent la définition des conditions générales de son équilibre financier et des objectifs de dépenses, telle que prévue par l'article 34 de la Constitution et dont l'adoption nuit à la sincérité des débats parlementaires.


4. Sur le droit de priorité


L'article 39 de la Constitution dispose que les projets de loi de financement de la sécurité sociale sont soumis en premier à l'Assemblée nationale. Selon votre jurisprudence, le Sénat ne peut introduire dans un projet de loi de finances ou dans un projet de loi de financement de la sécurité sociale, prioritairement soumis à l'Assemblée nationale, des mesures financières « entièrement nouvelles ». A défaut, le droit de priorité serait vidé de toute sa portée, et ce d'autant plus que la procédure d'urgence s'applique systématiquement, méconnaissant ainsi les droits de l'Assemblée nationale.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 contient à cet égard de nombreuses dispositions qui méconnaissent les dispositions de l'article 39 de la Constitution. Sont visés des articles résultant d'amendements présentés par le Gouvernement. En effet, le droit d'amendement des membres du Sénat n'est pas en cause dans l'appréciation du droit de priorité.

L'article 13, qui crée une exonération de cotisation obligatoire nouvelle, et l'article 23, qui crée un abattement de contribution pour des entreprises exploitant des spécialités pharmaceutiques, sont des dispositions financières « entièrement nouvelles » résultant d'amendements du Gouvernement présentés au Sénat.

L'article 47, déjà cité ci-dessus, ouvrant aux ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale le droit de modifier les dispositions conventionnelles en matière de tarifs des médecins spécialistes, a été adopté dans les mêmes conditions.

Votre vigilance en matière de respect de l'article 39 de la Constitution pourra s'exercer cette année sur de nombreuses dispositions « entièrement nouvelles », comme celles contenues par exemple dans les articles 68, 95, 96 ou 134, ou d'autres dispositions qu'il vous semblera nécessaire d'examiner, que le Gouvernement a préféré présenter sous forme d'amendement au Sénat, au lieu de les introduire dans le projet de loi initial. En agissant ainsi le Gouvernement a voulu développer une pratique qui revient à transformer les lois de financement en projet « fourre-tout ». De telles dérives ne sont pas sans risque sur le respect des principes de clarté et de lisibilité des débats parlementaires.